Hommage au chef d'oeuvre documentaire « Reprise » de Hervé Le Roux (1997)
Mon dernier article en ligne! Et non des moindres. Je suis très heureux d'avoir consacré une longue publication à un documentaire que j'adore, sur lequel j'ai écrit quand j'étais étudiant et que j'ai eu le plaisir de programmer dernièrement : Reprise de Hervé Le Roux! Un chef d'oeuvre, tout simplement. Et pour lui rendre hommage, j'ai eu la chance de recueillir l'avis et le ressenti de plusieurs personnes passionnantes : l'historienne Michelle Zancarini-Fournel, le preneur de son Frédéric Ullmann, la monteuse Nadine Tabouriech, les documentaristes engagés David Dufresne et Denis Gheerbrant, le romancier Pascal Dessaint et le directeur de la Cinémathèque Frédéric Bonnaud. Voilà, longue vie à Reprise!
Pour lire cet article c'est ici : https://leblogdocumentaire.fr/hommage-a-chef-doeuvre-documentaire-reprise-de-herve-roux/
Je n'en avais donc pas terminé avec Reprise d'Hervé Le Roux. Je n'en avais pas fini avec ce film documentaire incroyable. J'ai résumé les étapes de ma relation avec ce film dans mon précédent billet (https://www.benjamingenissel.fr/single-post/publication-d-un-texte-et-programmation-d-un-film-reprise-de-herv%C3%A9-le-roux), je vais essayer dans celui-ci de ne pas me répéter. Qu'est-ce qui fait qu'une œuvre prend autant ? S’empare autant de nous ? Qu'est-ce qui explique l'impact qu'elle peut avoir sur un spectateur ? Ce sont des questions passionnantes. Je ne suis pas certain d'être en mesure d'y répondre. Mon mini-mémoire de 2004 sur Reprise détenait bien sûr en filigranes des réponses crédibles sur le sujet, ce n'était simplement pas dans la nature de l'exercice que d'y répondre directement. Il s'agissait d'un devoir universitaire et non d'une confession délibérément subjective. Mais je savais que j'étais fasciné par la manière dont Hervé Le Roux avait utilisé les codes du polar pour construire son documentaire. Je sentais là un lecteur et un amateur de fiction plutôt qu'un pur documentariste, et ça me plaisait beaucoup. Cela rejoignait mon admiration pour les grandes figures des enquêteurs littéraires, Sherlock Holmes, Hercule Poirot, Maigret, Fabio Montale, le Poulpe. Cela percutait également le plaisir que je ressentais face à un film dit « du réel » qui s'amusait justement à se jouer de ce même « réel » ; qui s’ingéniait ingénieusement à contourner la réalité brute et trop simple pour la hisser à un niveau supérieur, pour l'amplifier. Et puis, il y avait ici cette narration progressive vers la quête. Comment d’une enquête nous aboutissions à une quête. J’étais sensible à cette mission que le cinéaste s’était donnée à lui-même. À cet objectif qu’il s’était accordé. Retrouver la belle ouvrière révoltée ; retrouver une mémoire ouvrière disparue ; donner une aura romanesque à des gens bien réels avec qui il avait pris le temps de discuter devant une caméra. C’était certainement ce passage bien précis de l’enquête à la quête, ce point de bascule, qui expliquait pourquoi Reprise avait tant pris avec moi ; comment en somme la mayonnaise avait si bien monté.
Je n’en avais donc pas terminé. Je ne le savais pas avant la proposition provenant des Yeux doc de me permettre de programmer un documentaire issu de leur catalogue. Je ne savais pas encore que mon histoire avec ce film documentaire n’était en rien achevée. C’est en le revoyant en janvier de cette année 2024 que l’idée de cet article en forme de recueil d’interviews à germer. Au départ, il ne s’agissait que de retranscrire les propos de David Dufresne, invité généreux à la projection et grand fan de l’œuvre de Hervé Le Roux. À la manière d’un court article pour faire suite au cadeau qu’il avait fait aux spectateurs de venir en parler devant eux. Et puis, voilà, j’ai compris que je pouvais faire grimper la crème encore plus haute ; la rendre encore plus onctueuse, plus épaisse. Je n’étais pas obligé d’en rester aux excellents propos d’un seul journaliste et artiste, fût-il aussi talentueux. Je pouvais aller chercher d’autres témoins. Refaire ce que j’avais fait pour L’Inde fantôme de Louis Malle en 2018 : une collecte de témoignages : https://leblogdocumentaire.fr/linde-fantome-cette-serie-documentaire-fondamentale-loeuvre-de-louis-malle/. Reprendre ce même modèle d’articles mais cette fois-ci pour rendre hommage à Reprise. C’est ainsi que j’ai retrouvé la monteuse du film, celle qui avait travaillé avec Hervé Le Roux, Nadine Tabouriech. Elle m’a mené au preneur de son, Frédéric Ullmann. Elle m’a indiqué au passage que Frédéric Bonnaud avait été proche du cinéaste. Mes recherches ont également abouti à un article écrit par l’historienne féministe spécialiste des mouvements populaires, Michèle Zancarini-Fournel. Article qui m’a renvoyé à la captation vidéo d’une conférence qu’elle avait donnée au Forum des images. C’est en lisant le livre éponyme écrit par Hervé Le Roux que j’ai eu l’idée de demander son avis à Denis Gheerbrant. Et c’est en suivant mon seul désir que j’ai voulu recueillir la parole d’un romancier ayant publié des polars sociaux, sans même savoir si l’un d’entre eux avaient déjà évoqué Reprise dans un roman. Juste parce que ça me semblait important qu’un romancier de polars à forte dimension sociale puisse donner son avis sur un documentaire narré et construit précisément comme un polar. C’est Pascal Dessaint qui m’a répondu le plus rapidement : il a regardé Reprise et dès le lendemain il me faisait partager avec chaleur son excellent ressenti. J’ai eu du mal à joindre Frédéric Bonnaud, c’est finalement par Noël Herpe que j’y suis parvenu (que ce dernier en soit remercié) et j’ai saisi en l’interviewant que j’avais bien fait d’attendre son témoignage : c’était la dernière pièce du puzzle qui me manquait pour que tienne debout tout l’ensemble.
Maintenant, avec cet article, j’ai l’impression d’une boucle qui s’est refermée. Ce n’est peut-être qu’une impression. Ce n’est en rien une certitude. Une boucle ouverte avec un cycle de cours donnés par Vincent Amiel en 2002 à l’université de Caen et donc possiblement close ici-même, et à l’intérieur une relation créative et critique avec le cinéma documentaire.
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